- BOMBAY
- BOMBAYPremière ville et premier port de l’Inde, Bombay (Mumbai depuis mai 1995) est un grand centre économique qui joint les activités de direction à celles de production. Elle est un excellent type de ces villes asiatiques qui ont connu au XIXe siècle un rythme de croissance analogue à celui des grandes capitales européennes, mais qui ont été et restent aujourd’hui marquées par le retard économique et le sous-développement.Un remarquable site portuaire tardivement valoriséAu large de la côte occidentale de l’Inde, un certain nombre d’îlots volcaniques prolongent les plateaux de laves du Deccan. Reliés entre eux par des flèches littorales sableuses ou argileuses, ils ont fourni sa base d’implantation à l’agglomération actuelle de Bombay. Ces plates-formes rocheuses et les flèches littorales anciennement consolidées formaient à l’origine deux groupes d’îles: celui, au sud, qui allait devenir l’«île de Bombay» et, plus au nord, le grand bloc de collines qui allait servir de noyau à la grande île de Salsette. Pendant la plus grande partie de la période historique, le site actuel de Bombay fut occupé par sept îles distinctes, nettement séparées du continent. Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que de très importants travaux transformèrent les îles en deux blocs et les relièrent au continent par des chaussées qui peu à peu en ont fait des presqu’îles. Le site actuel a été véritablement construit au fur et à mesure que se développait l’activité économique.Jusqu’au XVIe siècle, les îles ne connurent que des implantations humaines très limitées. Le site fut utilisé comme refuge par un royaume hindou qui établit une capitale dans l’île de Mahim, au nord. Mais c’était surtout un lieu de pêche et les pêcheurs Kolis semblent avoir été les premiers habitants.En 1534, les Portugais s’y établirent. Mais ils disposaient en outre du port de Bassein et de celui de Thana, situés sur le continent et donc plus favorables. À Bombay ne furent installés qu’un fort et de grands domaines agricoles du type féodal pour l’exploitation des terres alluviales.En 1661, cependant, les îles furent transférées à la Compagnie britannique des Indes orientales, qui devait entreprendre l’aménagement de la ville.Les barres rocheuses de l’est se prêtaient en effet très bien à la construction d’un port bien abrité contre la dure houle de la mousson; elles offraient un emplacement facile à défendre contre les Mahr ttes et les Portugais et un accès relativement aisé vers l’intérieur de la péninsule, le «col» du Bhor Ghat fournissant un passage à travers la muraille rocheuse qui limite à l’ouest le plateau péninsulaire. Les désagréments du climat, avec sa longue saison sèche et les déluges de l’été, et ceux du site, avec ses marécages, ne pouvaient constituer, face à ces avantages, un obstacle dirimant.Jusque vers 1850, la ville fut un comptoir type. Ensuite, la conquête des terres de l’intérieur, étendant le périmètre de la «présidence» de Bombay, accrut sa fonction politique. Deux villes se développèrent côte à côte, la ville anglaise, fort enclos de murailles, et une ville indigène, séparée de la première par des terrains militaires aujourd’hui transformés en parcs et esplanades. Peu à peu, et non sans mal, la mer fut endiguée et les marais de l’axe central asséchés. La ville qui n’avait que 10 000 habitants en 1660 en comptait déjà 250 000 au milieu du XIXe siècle.En 1850 commença une période de grand essor, qui transforma le comptoir et la capitale administrative en un grand centre économique, industriel et financier. Les premières usines textiles furent fondées en 1857-1860, notamment pour l’exportation de fils de coton vers la Chine. De nombreuses banques firent leur apparition entre 1840 et 1860. De 1860 à 1865, la guerre civile américaine, arrêtant provisoirement les fournitures de coton des États-Unis à l’Europe, permit une expansion rapide du commerce et de l’industrie. Après 1869, l’ouverture du canal de Suez donna à Bombay un avantage considérable sur ses concurrents en Inde et dans le reste de l’Asie. Jusqu’en 1940, la croissance fut régulière, malgré les décennies difficiles de 1891 à 1901, avec ses nombreuses famines, et de 1921 à 1931, avec la grande crise mondiale. En 1941, la ville atteignait 1 600 000 habitants. Dès 1860, les Européens commencèrent à quitter le «fort» pour s’installer sur les hauteurs plus saines de Malabar Hill, où les rejoignaient les riches représentants de la communauté parsie, qui devaient y installer les fameuses «tours du silence» où les morts sont exposés aux vautours. L’enceinte du fort disparut vers 1860, et de nombreux travaux de drainage permirent en 1865 l’inclusion de l’ensemble de l’île de Bombay dans le territoire de la cité. Des réservoirs d’eau construits dans Salsette puis dans les Ghâtes alimentèrent la ville par des aqueducs. Le premier chemin de fer de l’Inde relia Bombay à Thana, avant d’être prolongé vers Delhi, Madras et Calcutta.Depuis 1941, la ville connaît une croissance accélérée. Elle est due certes à la pression démographique considérable dans les campagnes qui pousse les paysans à chercher en ville des emplois assez incertains. Mais l’économie urbaine a de puissants attraits, qu’on sous-estime parfois. La jeune République indienne a cherché à se donner des industries différenciées, qui ont tout naturellement été implantées à Bombay pour une large part, en raison des avantages fournis par le port, la place financière, les infrastructures de transport et l’énergie relativement abondante grâce aux aménagements hydrauliques des Ghâtes.Ce développement économique fut, pendant toute l’histoire de la ville, assez nettement influencé par les Indiens eux-mêmes. D’actives communautés comme les Parsis, les Jaïns, les commerçants immigrés du Gujerat participèrent à l’édification d’un capitalisme indien, ici traditionnellement plus actif qu’à Calcutta. Les célèbres familles Tata et Birla sont originaires de Bombay.Il n’est donc guère étonnant que l’agglomération (Grand Bombay) ait atteint 12 571 000 habitants au recensement de 1991. Elle était estimée à 13 800 000 en 1995.Les tensions sociales ainsi que la forte conscience que la population a de son identité expliquent le succès d’un mouvement nationaliste hindou, le Shiv Shena, très influent dans la vie politique locale. C’est en partie ce nationalisme, qui renvoie à la tradition mahr tte, qui explique l’abandon du nom de Bombay, d’allure trop «étrangère», au profit de celui de Mumbai, désormais officiel.Une grande ville à l’étroitBombay a des fonctions très différenciées. C’est d’abord un très grand port, le premier de l’Inde. Bien abrités, en eau profonde, les docks sont assez bien équipés et accessibles à toute heure. En revanche, la position péninsulaire rend assez difficiles les relations avec l’arrière-pays, par des routes et des voies ferrées très surchargées.Bombay est aussi une grande ville industrielle. Ses industries sont très variées; à peu près toutes les branches y sont représentées, sauf la sidérurgie. On peut les grouper en trois catégories:– la vieille industrie textile reste une des originalités de Bombay; depuis l’indépendance, des usines de rayonne et de textiles artificiels sont venues s’ajouter aux vieilles filatures de coton, dont beaucoup ont disparu en raison de leur faible productivité;– les industries nées du port et situées le long des docks; elles se sont enrichies de grandes usines d’engrais et de raffineries de pétrole;– les industries de transformation modernes, nées depuis l’indépendance surtout; la fabrication de machines-outils, de bicyclettes et d’automobiles est particulièrement développée.Les fonctions de direction économique sont évidemment aussi très importantes. Bourse des valeurs, banques, maisons de gros donnent à Bombay la seconde place en Inde après Calcutta. Le commerce et les services emploient plus d’un million de personnes. Une ligne nord-sud tracée dans l’axe de la péninsule délimite à peu près la zone de commandement de Bombay. Mais son influence se fait sentir, malgré l’importance de Madras, jusque dans l’Inde du Sud.Le développement économique reste pourtant insuffisant pour permettre à une population, en augmentation rapide du fait de l’immigration, de vivre dans des conditions satisfaisantes. Immigration jeune et surtout masculine. Cette immigration se fait surtout à partir des campagnes les plus pauvres des environs: à distance égale, les régions côtières du Konkan et du Gujerat envoient bien plus de migrants vers Bombay que les campagnes moins misérables du plateau volcanique.L’organisation de l’espace urbainLe site de Bombay, excellent pour un comptoir, s’avère moins favorable à la construction d’une grande ville moderne. Le sous-développement de l’économie indienne n’a pas permis la mise en place d’équipements suffisants.. L’étude par quartiers révèle une réalité complexe, qu’on ne peut résumer en une opposition simple entre «ville européenne» et «ville indigène» comme on le fait parfois (cf. plan).Le «fort» a connu, de façon très classique, un «phénomène de cité»: vieux noyau de résidence européenne, il est maintenant un quartier d’affaires avec ses banques, ses sièges sociaux, ses hôtels. Beaucoup de bâtiments ont un aspect néo-classique, ou sont enlaidis par les proliférations pseudo-gothiques de la période victorienne. L’apparition des grands buildings modernes est relativement récente, mais ils occupent maintenant une place importante dans tout le centre d’affaires. Ils remplacent des constructions anciennes ou s’élèvent sur les terrains gagnés sur la mer(«Back Bay»).Autour du fort se groupent un certain nombre de quartiers qui ont reçu l’essentiel de leur physionomie au cours du XIXe siècle. Un axe d’entrepôts et d’usines longe les docks. Des quartiers résidentiels élégants, ou du moins aisés, se sont constitués à proximité. Le plus ancien est celui de Malabar Hill, avec ses villas et, de plus en plus, ses blocs d’appartements confortables. Plus récent est le quartier résidentiel de Marine Drive, entre la voie ferrée et le havre de Back Bay. Un ensemble assez homogène de grands immeubles borde le front de mer. Au sud, enfin, la presqu’île de Colaba est en cours d’urbanisation; la densité du peuplement y est longtemps restée très faible, malgré la proximité du centre, à cause de la présence de terrains militaires, comme il est fréquent près du centre des grandes villes indiennes. Les aménagements sont actifs, et de nouveaux terrains sont gagnés sur la mer.La vieille ville «indienne» reste encore assez bien individualisée dans le paysage (cf. plan). Au nord-ouest du fort, elle constitue une zone urbaine très congestionnée et hétérogène. Ses fonctions sont variées. Près de la moitié de la population de la ville de Bombay s’y groupe. Mais on y trouve aussi quelques aires ayant des fonctions commerciales importantes (marchés de gros), et des implantations industrielles, qui s’apparentent plus à des ateliers qu’à des usines, mais pratiquent une activité assez moderne dans un cadre très désuet (fabrication de machines-outils, par exemple).Beaucoup de petits commerces à chiffre d’affaires très faible ravitaillent une population au pouvoir d’achat réduit. Dans des maisons à trois ou quatre étages, abandonnées par les classes aisées, des familles entières s’entassent dans une seule pièce, car les loyers restent élevés malgré le manque d’hygiène. Entre ces maisons s’insèrent souvent des cabanes assez lamentables, sorte de bidonville intra-urbain. Quelques travaux de reconstruction ont été entrepris dans les parties les plus défavorisées.Plus au nord, l’axe de l’île est occupé par le quartier industriel, né au XIXe siècle de l’industrie textile; son cœur est Parel et Lalbaug. Ici, on retrouve encore les centres des vieux villages, englobés dans un tissu urbain complexe. Les usines du siècle dernier sont des bâtiments élevés assez décrépits et d’aspect lamentable, la rouille et les mousses dues au climat humide rongeant les structures. Une partie de la population habite dans des chawls , maisons de trois ou quatre étages avec des logements d’une ou deux pièces au maximum ouvrant sur des balcons eux aussi rongés par la rouille. Beaucoup de maisons basses s’insèrent entre eux.Au nord de l’île de Bombay et dans la partie sud de l’île de Salsette, l’urbanisation est moins dense et plus récente. Des usines d’aspect beaucoup plus moderne s’étirent sur des kilomètres le long des deux voies ferrées, séparées les unes des autres par des bidonvilles et de vieilles agglomérations mal construites. Mais des quartiers résidentiels modernes pour classes moyennes apparaissent le long de la mer, comme à Worli ou Mahim, tandis que les blocs modernes construits par la municipalité se dressent au milieu de terrains qui étaient naguère encore des marécages. Ces blocs tendent peu à peu à prédominer dans l’île de Salsette.La ville de Bombay souffre donc aujourd’hui de ce qui constituait à l’origine un avantage de son site. La ville est maintenant très à l’étroit dans son site péninsulaire; elle souffre de ce qui constituait pour elle un avantage au temps du comptoir. Une extension importante a été planifiée sur le continent, en face du port. Reliée au centre par des ponts ferroviaire et routier de plusieurs kilomètres de longueur, «New Bombay» sort de terre assez lentement, mais comptait tout de même déjà plus de 300 000 habitants en 1991. Le problème de Bombay dépasse cependant le cadre de l’agglomération, et le gouvernement du Mah r shtra, dont Bombay est la capitale, cherche à obtenir une décentralisation des activités vers des villes intérieures de l’État.Bombay(auj. Mumbai) deuxième ville et premier port de l'Inde; cap. du Mahârâshtra, sur la côte ouest du Dekkan; 9 990 000 hab. La riche communauté parsi et les Brit. firent de la ville un grand centre écon. L'E. (docks, usines, quartiers pop.) s'oppose à l'O., sur la baie (quartiers riches de Marine Drive et de Malabar Hill); le N., plus industriel, attire la masse des déshérités. Très import. centre industriel (textile, notam.). Aéroport.— Le développement de la ville commença au XVIIe s. (possession de la Compagnie des Indes orient. de 1668 à 1783).
Encyclopédie Universelle. 2012.